Message n°1 Bienvenue à la villa Les Varechs. Tu as trouvé la clé à l’endroit prévu. Comme tu le sais, ceci est un cadeau mystère anonyme qui t’est offert pour tes quarante ans, et tu es venu seul. Installe-toi, prends tes aises. Ensuite, je vais t’inviter à sortir cet après-midi. Tu te souviens des grands jeux auxquels tu participais pendant les colonies de vacances. Cela s’appelait les jeux de piste. Il y en avait un par session. On jouait par équipes. On devait suivre des flèches, résoudre des énigmes, rapporter des preuves de passage à différentes étapes. Au bout du périple, le trésor c’était le goûter, et bien sûr toutes les équipes gagnaient ex aequo. Tu vas faire un jeu de piste un peu particulier, car tu y seras le seul participant.<br>Ceci est le premier et dernier message sur papier, car ton outil sera ton smartphone dernier cri, jeu ancien mais technologie moderne ! Tu taperas le lien ci-dessous. Une appli se chargera automatiquement. Elle te localisera et t’enverra des messages aux moments opportuns. Tu ne pourras pas tricher ! Tu vas partir pour une balade vers une grande surprise, chaussé de tes sneakers de série limitée. Bon jeu de piste ! Message n° 6 Dans cette petite rue peu passante, regarde autour de toi. Dans les haies subsistent des rosiers de roses anciennes qui n’ont pas vu un sécateur depuis longtemps. Sens-tu leur parfum ? Mais peut-être n’y es-tu pas sensible, tu as maintenant un odorat de citadin. Message n°9 Lève les yeux. Les petites villas de l’entre deux guerres sont encore fermées pour la plupart, la saison d’été n’a pas encore commencé. Leurs volets bleu clair encadrent un pignon planté au milieu de la façade, comme un chapeau pointu fantaisiste. Bien sûr elles n’offrent pas le confort moderne que tu apprécierais dans les appartements du centre ville. Ont-elles quand même du charme à tes yeux ? Message n°12 Tu te demandes à quoi rime cette incursion dans le passé, tu t’impatientes. C’est vrai que tu es connu pour aller vite au but, même s’il faut bousculer quelqu’un. Mais tu dois suivre mes indications. Ce jeu est un cadeau, et un cadeau, ça ne se refuse pas, n’est-ce pas ? Message n°14 Une récompense t’attend. Mon guidage t’a amené au port ostréicole. Va jusqu’au bout de la rue. À la dernière cabane, donne ton nom, on te servira une douzaine d’huîtres et un verre de vin blanc. Enfin une activité normale de touriste. Tu vois, je prends soin de toi. Avoue que c’est délicieux, je sais que tu apprécies le goût et le cadre... Et que tu savoures également les regards intéressés des jolies femmes aux tables voisines. Message n°17 Tu t’es éloigné de la ville, et il y a moins de monde par ici. Sur ce chemin, tu ne trouves aucun intérêt aux haies où piaillent les oiseaux (tu ne sais pas qui je suis, mais moi je te connais). Descends sur le sable jusqu’à ces herbes rases, charnues. Goûtes-en une, tu peux y aller, c’est comestible. Reconnais-tu ce goût légèrement acidulé ? Tu avais oublié ? Ce sont des salicornes, les mêmes que celles que tu achètes en bocal à prix d’or dans l’épicerie fine en-dessous de chez toi. Message n°19 Les huîtres t’ont donné soif, et tu n’avais pas pris ta gourde, toi qui prétends tout maîtriser d’habitude. Sur le chemin qui longe le Bassin, il n’y a pas un café à tous les coins de rue pour te désaltérer comme dans ton quartier branché. Mais courage, la surprise finale vaut bien un petit inconfort.</span><span> Message n°22 Il n’y a plus personne autour de toi. N’apprécies-tu pas le calme ? Le sol est boueux, tu es obligé de marcher dans les flaques. Dommage pour tes chaussures, mais elles valent bien que tu les salisses pour la surprise qui t’attend. Tu n’as pas une petite idée de qui je suis et où je t’emmène ? Message n°24 Tu marches plus difficilement, tes pieds collent comme des ventouses. Tu n’es pas fatigué, quand même, un fringant sportif comme toi ? Tu n’es pas inquiet, bien sûr, tu n’as peur de rien. Continue d’avancer, la surprise n’est plus très loin. Message n° 25 Tu t’enfonces vraiment. Tu as perdu tes chaussures. Tu es dans la vase jusqu’aux mollets, et la mer monte. Tiens, tu paniques, et tu as raison, tu es en danger. Lis vite ce message. Pour ne pas mourir noyé, la seule solution est de te mettre à quatre pattes et de ramper jusqu’au piquet que tu vois à quelques mètres. Tu vas t’y accrocher. Mais pour cela tu vas devoir laisser tomber ton précieux smartphone que tu exhibais avec vanité, il va être hors d’usage. Heureusement pour toi, c’est jour d’entraînement des sauveteurs en mer. C’est moi le capitaine maintenant, nous sommes dans le coin, nous vois-tu ? C’est toi qui nous sers de cobaye aujourd’hui, c’est prévu. Les copains vont bien rire en te découvrant, habillé de boue noire de la tête aux pieds, et même jusqu’aux sourcils. Te voilà bien piteux ! Ils vont te trouver moins arrogant que quand tu les croisais autrefois, sans un regard pour eux, dans les rues touristiques. Moi, je n’ai eu personne pour me secourir, il y a vingt-cinq ans, quand tu m’as obligé à aller chercher mon sac à dos que tu avais lancé par ici. J’ai dû m’en sortir tout seul. Tu as compris qui je suis, maintenant ? La surprise t’a-t-elle plu ? Bon anniversaire.
Martine MAZURE: Jeu de piste
Le 17 aout 2030 à la une du journal Sud Ouest : UN CADAVRE SUR L'ÎLE AUX OISEAUX En page intérieure il est précisé qu'un ostréiculteur se rendant sur ses parcs situés à Mapouchet a fait la découverte au petit jour, d'un d'un homme vêtu d'un costume 3 pièces ficelé par un fil de fer sur un pignot. La victime a été tuée par la flèche d'un fusil harpon, tirée en plein cœur. Enfoncé dans la bouche un foulard jaune imprimé du logo d'Arcachon, porté lors des fêtes de la mer, dépasse de sa bouche, comme si on avait cherché à étouffer un dernier cri. Autre indice, le cadavre est celui d'un homme asiatique ,de par son faciès et sa carnation. L'enquête devra déterminer l'identité de la victime, et par la suite, les circonstances et les mobiles de ce crime. Dès le lendemain un premier compte rendu est publié donnant de nombreuses informations concernant la victime et des précisions sur sa présence sur le Bassin. UNE ENQUÊTE RONDEMENT MENÉE avec les papiers retrouvés sur le cadavre, la victime est rapidement identifiée : - Bounmy Rattenavan né au Laos n'est autre qu'un des frères TANG , des commerçants, connus sous ce pseudonyme. Propriétaires d'une chaîne de supermarchés en France et en Europe , les 2 frères ont fait fortune en s'implantant dans le XIIIème arrondissement de Paris, puis en créant des magasins dans toute l'île de France. Au tout début avec la vente de galettes de riz et de sauce au soja, ils ont créé un empire qui cherche aujourd'hui de nouveaux débouchés pour accroitre sa domination. Comme les chinois qui ont racheté de nombreux châteaux du vignoble bordelais, les frères Tang misent sur le tourisme, subodorant l'envie nouvelle de voyager pour les millions de ressortissants d'Asie qui ont vécu depuis des siècles dans l'isolement. Aujourd'hui les choses évoluent, les Chinois sont devenus les principaux pourvoyeurs de marchandises manufacturées au monde , une classe de plus en plus aisée a émergé et cherche à s'ouvrir sur le monde. Les Chinois en profitent pour racheter les aéroports français, avec pour corollaire une multiplication des vols entre les deux pays. Ayant désormais la main pour les faire partir, il faut échafauder des envies de découvertes qui créeront une source de profits. Le parcours de la victime est rapidement reconstitué, avec les éléments retrouvés dans la chambre de l'hôtel de luxe d'Arcachon qu'il occupait discrètement depuis plusieurs jours. Les plannings de rendez-vous montrent la stratégie mise en place par les frères Tang, pour le Bassin et sa région. De nombreux contacts officiels ou officieux , soigneusement répertoriés dans les agendas et les lettres d'intention retrouvées, témoignent l'activité de l'homme d'affaire depuis son arrivée. Dès le premier jour sur le Bassin une première rencontre a eu lieu avec le maire d'Arcachon pour étudier la mise en place d'une collaboration entre la ville et la galaxie Tang .Était envisagée la reconstruction du casino Mauresque ,avec pour l'occasion, un hôtel-casino 2 fois plus grandiose que l'original, un agrandissement substantiel du port de l'Aiguillon afin d'accueillir les yachts ,et un doublement de la jetée Thiers avec des navettes toutes les 10 minutes, pouvant relier tous les points du Bassin sans se soucier des marées et des coefficients, grâce à l'utilisation de bateaux équipés de roues et de chenilles tout terrain. La deuxième journée fut consacrée au quartier du Pyla avec une rencontre informelle avec le président du syndicat mixte de la dune .Ce syndicat en charge du site a mis en place une gestion privée de la dune après l'expropriation de tous les propriétaires de parcelles boisées dans son périmètre .Un village de commerces de piètre qualité enlaidissait ce site classé. Ce fut une opération juteuse sur un panorama unique au monde, dévoyée par des élus dans le but avoué de protéger une merveille, merveille qui sera pourtant difficile à sauvegarder au fil des siècles. Les spécialistes s'accordant sur le fait que la Dune reste tributaire de l'érosion et de l'avancée inexorable du sable vers la forêt, sa disparition est programmée dans un avenir lointain. Une offre de rachat du site est proposée avec une somme pharaonique à la clé. Cela permettra aux communes d'envisager d'autres investissements, avec l'aide bienveillante de la galaxie Tang, sans oublier les commissions aux intermédiaires. La Dune aura ainsi le standing qu'elle mérite avec des téléphériques, des pistes de ski et des campings haut de gamme avec des pagodes nichées dans les pins replantés, d'une espèce à croissance accélérée, le tout dans un confort 5 étoiles. Pour améliorer l'emploi ,la société sino- testerine s'engage à racheter l'entreprise Gaume qui a le monopole du bâtiment dans le secteur, en multipliant les constructions haut de gamme. Passage par la mairie de La Teste de Buch, pour un projet qui n'a pour but que participer à la rénovation des cabanes Tchanquées dont l'entretien pèse trop lourd sur le budget de la ville. Moyennent un bail d'exploitation de 99 ans , reconstruction à neuf de l'existant avec autorisation d'ouvrir 2 restaurants l'un à l'enseigne Mac Donald et l'autre proposant une dégustation de fruits de mer et de sushis importés directement du pays du soleil levant. Aucune pollution par les emballages tous solubles dans l'eau de mer et accès sur le site par des navettes à moteurs électriques, avec présence des consommateurs limitée à 1 heure sur le site, repas et selfies compris. Dans l'agenda, une autre réunion très attendue, celle avec le président du syndicat des ostréiculteurs. Depuis des années il dénonce la mortalité croissante des huitres. Pollutions et algues toxiques entrainent une surmortalité du naissain et des jeunes huitres. Le groupe d'investisseurs promet une aide massive à la profession en échange de l'introduction d'une nouvelle famille d'huitres plus résistante aux pollutions du bassin. Exit les huitres portugaises et autres japonaises, les variétés diploïdes ou triploïdes, il est temps d'importer des huitres perlières venues de Formose plus résistantes et qui offrent aux perles une palette de couleurs nacrées du plus bel effet. Une richesse nouvelle pour relancer l'ostréiculture et ouvrir une nouvelle filière pour la bijouterie.Ainsi naîtra dans le Bassin : la Perle de l'Atlantique. Dans le planning des consultations du frère Tang était prévue la visite du parc ornithologique du Teich ,avec une table ronde réunissant, la ligue de protection des oiseaux et le conservatoire du littoral. Il fallait faire revenir dans le parc, des espèces d'oiseaux qui ont déserté nos côtes depuis bien longtemps. Les oiseaux avaient aussi le droit de faire partie de ce projet. Les défenseurs de l'environnement trop souvent des laisser pour compte, ne se sentiront pas, pour une fois lésés dans l'attribution des subventions. Chaque projet était accompagné d'études préalables fort documentées, ce qui étayait le sérieux des propositions, aussi bien pour leur faisabilité que pour leur financement, car les frères Tang avaient fait appel aux meilleurs architectes et à un consortium d'investisseurs à très gros budgets. Parmi toutes ces prises de contact qui se voulaient avant tout « novatrices » et « protectrices », une réunion plus discrète avait eu lieu à Arès, avec la communauté indochinoise implantée en ces lieux depuis les années 50. À son retour en France, suite à la perte de l'Indochine ,l'empereur Bao Daï était revenu en Europe avec un trésor de guerre .Ce trésor aurait servi à bien des opérations louches qui sont toujours restées à l'état de suppositions, les Asiatiques ayant toujours l'art du secret. Pourquoi Tang voulait il se rapprocher de cette communauté citée par le journal Sud-Ouest dans d'un article paru en 2023 ? Les enquêteurs suputent que Bounmy Rattanavan alias Tang voulait, avec l'appui de ses compatriotes installés dans ce petit port tranquille, faire une offre de rachat de la clinique d'Arès comme un retour symbolique à la fondation privée de l'aérium créé par la famille Wallerstein au début du XXème siècle. Les dignitaires des régimes totalitaires du Sud-Est asiatique et les riches ressortissants de ces pays seraient des cibles lucratives pour des séjours de remise en forme sur mesure. Les enfants malades du siècle dernier seraient avantageusement remplacés par une génération de mandarins victimes des excès de la malbouffe et de la surconsommation. La santé donne toujours une bonne image à une opération qui ne se veut pas seulement mercantile. CHAPITRE 2 L'HÉRITAGE DES PEREIRE Dans la chambre de Bounmy Tang, outre les documents que nous avons cités, les enquêteurs trouvent des livres français, aux titres évocateurs : Émile et Isaac Pereire l'esprit d'entreprendre Les frères Pereire ,le bonheur d'entreprendre L'idéologie du Saint Simonisme. Les frères Tang n'avaient ils pas en projet de réaliser une opération identique à celle qui a fait la gloire des frères Pereire, qui ont laissé un héritage encore vivant sur la ville d'Arcachon avec un développement corollaire pour la région grâce à la ligne de chemin de fer Bordeaux/La Teste. Dans ce 19éme siècle avec la révolution de la machine à vapeur, la présence bienveillante de l'empereur Napoléon III et la vision affairiste des banquiers Pereire, ces 3 maillons ont permis de transformer cette région en un joyau pour notre beau pays. Deux cents ans plus tard ,l'histoire peut se réécrire avec cette fois la mutation dans le numérique qui bouleverse le rapport avec le travail, un empereur chassé d'une ex-colonie française qui avait des intérêts plus ou moins avouables et les frères Tang dans le rôle de promoteurs de loisirs. A nouveau 3 maillons pour une chaîne venue d'Asie. En se plongeant dans les archives de la société historique d'Arcachon ,les limiers chargés de l'enquête découvrent une information qui fit grand bruit à son époque et que seuls quelques vieux arcachonnais ont encore en mémoire. En 1957 le maire d'Arcachon Lucien de Gracia envisage de créer le lotissement du Parc Pereire, les quelques héritiers Pereire désirant vendre les 41 hectares de cette magnifique forêt dunaire. La bataille est féroce avec Louis Gaume qui veut acquérir le parc, non pas pour y faire des lots à bâtir élitistes, mais plutôt des petits immeubles de style méditerranéen. Le maire d'Arcachon soutenu par le journal régional La France ,concurrent du journal démocrate chrétien Sud Ouest annonce sous la plume du journaliste Michel Doussy : “des émissaires de l'empereur Bao-Daï ont rencontré le maire et sont prêts à investir beaucoup d'argent pour l'acquisition des terrains du Parc Péreire “. Polémique quant à l'origine des fonds, la guerre éclate entre Gaume et De Gracia ,tout cela finira au tribunal avec la victoire du maire d'Arcachon au cours d'un procès retentissant. Mais comment imaginer que Bao-Daï ait pu porter un intérêt à Arcachon exilé loin de sa Cochinchine natale. Mais Bao-Daï était déjà venu à La Teste ,avant la fin de son règne au début des années 50 pour y prendre livraison de 2 vedettes de guerre construites par le chantier Boyer. Une photo avait immortalisé ce bref passage en pays de Buch avec discours, fanfare et drapeaux tricolores. Cette cérémonie fut aussi brève que la survie des vedettes qui ont été coulées dans le golfe du Tonkin. Y avait il eu de rétrocessions de fonds à l'époque, comme avec les fameuses vedettes de Taïwan en 1991 ? On dit souvent que l'histoire se répète; on peut le penser aujourd'hui. Pourquoi les frères Tang auraient eu la tentation de s'approprier des lieux si éloignés de leur pays d'origine ? Et de farouches opposants à toute ingérence étrangère , iraient ils jusqu'à tuer ceux qui échafaudent des rêves de conquêtes ? Tout reste envisageable dans cette obscure affaire qui empoisonne l'establishment local et même au delà.</span><span> CHAPITRE 3 RUMEURS ET SOUPÇONS L'enquête qui se voulait discrète devient vite un feuilleton où chacun livre des hypothèses plus ou moins farfelues. l est particulièrement désagréable pour les limiers qui travaillent sur cette affaire de lire des informations fuitant dans le journal régional Sud Ouest, sous la plume du correspondant local qui alimente une chronique journalière sur l'avancée de l'enquête. Après les investigations menées sur la vie et les affaires des frères Tang, sur les intérêts supposés ou réels de quelques personnalités politiques ,les révélations des amitiés ou des inimitiés de décideurs locaux, tout est bon pour tenir en haleine les lecteurs qui cherchent à savoir la fin de l'histoire. Tout ce chahut médiatique met en lumière la malignité du journaliste qui prend un malin plaisir à brouiller les pistes comme dans un escape game. Puisque ce Sherlock Holmes médiatique perturbe le secret de l'enquête, il serait judicieux de passer son son profil au peigne fin. Au début de l'affaire, la police a été surprise par la rapidité de l'annonce du crime. Le corps retrouvé le 16 au matin sans divulgation ni des circonstances, ni des premières constatations, l'article à la une du journal dés le lendemain révèle déjà les détails de la scène. L'arme du crime, le fusil de chasse sous marine, se révèle être un fusil appartenant au club de plongée du Bassin dont le président n'est autre que le journaliste du Sud Ouest. Après recherche dans son état civil, on retrouve la trace d'une aïeule de ce chroniqueur comme femme de chambre au service de la famille Pereire jusqu'au décès d'Émile Pereire en 1875. Cette femme s'est déclarée mère d'une fille de père inconnu. Coïncidence cette fille a été l'arrière grand mère de ce reporter trop zélé.Cette dame avait d'ailleurs revendiqué , sans succès, à la fin de sa vie, d'hériter de la villa Régina Ceoli contiguë au majestueux chalet des Pereire en contre partie d'une promesse faite pour garder secret le nom du père de l'enfant tombé du ciel. Enfin le journaliste pour mettre fin aux soupçons, avait comme alibi les reportages effectués lors des fêtes de la mer les 14 et 15 aout 2030. Les photographies attestaient bien de sa présence, sur de nombreux clichés,où il apparaissait avec son appareil photo et son foulard jaune autour du cou comme signe festif pour cet événement. Bizarrement sur le dernier cliché lors du feu d'artifice au bout de la jetée, notre reporter n'a plus son foulard autour du cou .Une perquisition à son domicile ne trouvera aucune trace de ce foulard qu'il affirme avoir offert à un jeune estivant qui passait par là. Comme le mauvais temps qui assombrit l'horizon, les reportages dans le Sud Ouest n'annonçaient plus que de rares et brèves informations sur la poursuite de l'enquête. Les soupçons ne sont pas devenus des certitudes, les rumeurs continueront à courir entre 2 clans opposés. Le journaliste suspecté a bénéficié du soutien de la presse qui milite encore aujourd'hui pour dénoncer une conspiration politico-financière avec l'attribution frauduleuse de biens publics par des collectivités sensées défendre des biens communs. À qui profite le crime ? Syndicat mixte de la Dune, Natura 2000, Conservatoire du littoral, Communautés d'agglomération, Associations de défense de la forêt usagère, de propriétaires ayant pins, Comités de défense et de promotion de sites protégés, structures qui défendent parfois des intérêts particuliers aux dépends des intérêts communs. Avec la cupidité de certains qui s'érigent en défenseurs, mais qui sont d'humeur capricieuse, cela devient des proies faciles pour des enchanteurs à gros budgets. Le correspondant local du journal Sud-Ouest a été envoyé faire un reportage sur la disparition des icebergs au pôle nord ,suite au réchauffement climatique.Le Bassin redevient le lieu fréquenté par les touristes et les retraités en quête d'un bonheur fragile,histoire de passions et de compromissions CETTE NUIT UNE SOUCOUPE S'EST POSÉE SUR L'OVNI-PORT D'ARÈS La une de Sud Ouest annonce l'arrivée des petits hommes verts. Des prédateurs venus d'une autre planète pour accaparer des richesses que nous avons eu tant de mal à préserver.
Charles-Alberts GHYCELS: Le Bassin n'est pas à vendre
Il se passe toujours des tas de choses étonnantes sur le Bassin d’Arcachon. Toujours... Tout avait commencé comme ça... Georges Plassard avait effectué toute sa carrière dans la Police. Il était en retraite depuis une bonne décennie. Embauché comme simple agent à la circulation, il avait assuré dix ans de bons et loyaux services au sein du commissariat du 13ème arrondissement de Marseille. Adorant tracasser ses congénères, il contrôlait les automobilistes qui venaient de griller - soit disant - un feu rouge, il verbalisait des mamies qui n'avaient pas traversé la rue dans les clous ou effectuait des contres d’identité concernant surtout les exogènes d’Afrique du nord. À sa décharge, il faut dire qu'il avait fait la guerre l’Algérie. Trois ans. Il y était resté trois ans. Trois ans à fouiner dans les quartiers chauds d'Alger, là où son supérieur lui avait dit de chercher des noises aux natifs. Il y avait mené des enquêtes sur les trafics en tous genres comme les ventes sauvages - sous le manteau - de casseroles ou sur le non respect des règles sanitaires en matière de vente de brosses à dents. Mal vu, Georges vivait dans la crainte de représailles de a part des algérois tellement il leur menait la vie dure. Un jour, il avait fait décrocher le linge qui pendait à toutes les fenêtres de la rue Mohamed Ghinouze parce qu’il trouvait ça disgracieux. Cette initiative avait déclenché un tollé général dans ce quartier dont les habitantes révoltées en jetant toutes leurs poubelles par la fenêtre. Une autre fois, rien que pour contrarier de paisibles buveurs de menthe à l’eau du bar se trouvant à l’angle des rues Zikara Mouloud et Mohammed Ben Zineb, il les avait tous fait arrêter au prétexte fallacieux qu'ils avaient demandé, prétendument, à ce qu'on leur serve double dose de sirop. Bref, le Georges était un véritable emmerdeur. Ces frasques avaient été appréciées par Clampart, son chef divisionnaire. Lorsque le temps d'affectation de cette fripouille était arrivé à son terme, les algérois et les algéroises du quartier Belcourt avaient fait la fête. C’est pour dire... Au regard des loyaux services rendus à la mère patrie, Clampart avait usé de ses prérogatives pour que le Georges montât en grade. C'est comme a qu’il fut muté à la brigade volante du commissariat d'Aubervilliers en qualité de brigadier. Suite aux accords d’Évian qui avaient mis un terme à cette foutue guerre d’Algérie, les "Événements étant déclarés terminés, Plassard avait vu débouler dans sa banlieue des centaines de travailleurs algériens venus participer à la reconstruction de la France. Et ça, le Georges, il avait pas aimé. Petit à petit, notre homme grimpait dans la hiérarchie. À force de pugnacité, il était passé Brigadier-chef, toujours au Commissat d’Aubervilliers. Devenu Major au bout de quelques longues années au cours desquelles il avait fait montre d’enthousiasme à aiguillonner le maghrébin lambda, il avait été affecté au Renseignements Généraux où il avait finit par exceller, notamment dans le bornage des nord-africains. À "La piscine", il se sentait comme un poisson dans l’eau. Son caractère pugnace avait été remarqué par le Colonel Jouhan qui lui avait proposé un poste dédié à la traque des terroristes. Le problème, c’est que - par monomanie - le Georges, il voyait des terroristes partout. Partout, partout... Toute sa vie n’était conduite que par ça. Entre temps, notre homme avait dégotté l’âme sœur. Lors de la cérémonie du 1er mai dédié à mémoire de Jeanne d Arc, il avait rencontré Fabienne. Blondasse rustique, la Fabienne Bougnard exerçait le métier d’agent administratif au SEDPN, le Syndicat radical de la Police Nationale. Coup de foudre place des Pyramides ! Quelques semaines plus tard : cérémonie de mariage en l’Église Saint-Nicolas-du-Chardonnet ordonnée par Monseigneur Lellièvre en personne, traditionaliste de haute volée. Dans la foulée : voyage de noces à Lourdes. Au bout d’une paire d’années fadasse, Georges et Fabienne avaient décidé de s’offrir quelques congés. Normandie ? Morvan ? Sologne ? On hésitait. Petite, Fabienne était allée en vacances à Lanton avec ses parents. Elle affectionnait le Bassin d'Arcachon dont elle gardait bon souvenir. Son époux n'y ayant jamais mis les pieds, elle réussit à le convaincre d'y louer - pour une quinzaine - un bungalow au camping du "Coq Hardy". Le caractère authentique de ce petit coin de France avait emballé Georges. Plages accueillantes, parcs à huîtres, pinède aux effluves de résine, vins du Médoc tout proches... Il était sous le charme. De plus, en poussant un peu, le coin offrait de magnifiques balades : dune du Pilat ; petit port de Biganos haut en couleur avec ses jolies cabanes colorées ; flâneries en canot sur la Leyre domaine de Certes et Graveyron d'Audenge ; Andernos et son église romane, sa rue piétonne et sa jetée. Tout y était magnifique. Et pas un arabe ! Le must, c’était d’aller de balader au Cap Ferret. Ahhh ! Le Cap Ferret ! Une perle, un bijou d’amour. D’un côteé l’atlantique avec sa forêt de pins et ses dunes ambrées infinies où poussent les immortelles, les chardons et les oyats, son immense plage à l’estran qui révèle ses ridules comme d’immenses chevelures minérales où s’écoulent des rias d'eau formant parfois, au gré des bancs de sable, des lacs adoucis par les rayons de soleil, lagunes dont les enfants raffolent pour leurs douces baignades. De l'autre, une succession de villages ostréicoles apaisants. Déguster un plateau de fruits de mer accompagnés d'un petit muscadet bien frais à la "Cabane d'Édouard", flâner à la Pointe des Chevaux, découvrir les réservoirs du "Piraillan" où nichent les hérons cendrés, oser s’aventurer sur la conche de "Mimbeau"par marée basse, pousser jusqu’au bout du cap pour gravir les marches du phare et s’émerveiller de la divine dune, prendre le petit train à la jetée du "Bélisaire" et s’arrêter - peut-être - dîner chez "Hortense" des mets d’ exception... Que du bonheur. Lors d’une fin de ces escapades, on décide de s’arrêter à l’Herbe pour visiter la Chapelle de la Villa Algérienne. Rien que ce nom évoque de bons souvenirs chez Georges qui se surprend à regretter ses années de service, là-bas, de l'autre côté de la Méditerranée où il jouait au coq dans les ruelles du quartier Belcourt. Justement, cette chapelle, parlons en... En 1863, Léon Lesca acheta un vaste domaine en bordure du Bassin. Ayant fait fortune dans les travaux publics en Algérie, il y fit construire un ensemble immobilier qu’il baptisa "Villa Algérienne". Au fil des années, Léon développa le domaine. Il planta un vignoble, créa des réservoirs à poissons, exploita la forêt et des parcs ostréicoles, construisit une école, une jetée ouverte pour des liaisons directes avec Arcachon, un presbytère et des maisons pour son personnel. Il y fit édifier une chapelle dont il confia la construction à Eugène Ormières, un architecte de renom. Celui-ci réalisa un édifice néo-mauresque remarquable destiné à la pratique du culte catholique. Sur le clocher, il créa - à la demande de son commanditaire - un subtil rapprochement entre la croix catholique et le croissant de lune musulman. Les inscriptions inscrites aux murs de l’édifice reflétaient les influences culturelles de Lesca. Les carreaux de céramique aux motifs floraux, l'utilisation de l'arc polylobé et la polychromie traduisaient l'influence de l'architecture mauresque tant appréciée par le propriétaire. De plus, de sublimes ex-voto apportaient au lieu son fervent attachement à la mer. Subjugués par l’harmonie du lieu, les Plassard se confortent dans l’idée - très personnelle - de la suprématie du culte catholique sur celui de l’Islam. Sous le charme, ils prennent congé du lieu afin de rejoindre leur voiture quand ils tombent soudainement sur la preuve flagrante de la présence d'une mosquée clandestine. Apoplexie !!! Le sang de Plassard se glace. Comment osent-ils ? Pour qui se prennent-ils pour oser installer, à cet endroit précis, un lieu dédié aux thèses islamistes ? Les Plassard ressentent un violent relent de provocation ! Georges compte : 17 paires de babouches, posées là, pêle-mêle. Quelle effronterie ! Venir souiller ce site aussi pur ? Il y a là quelque chose d'insupportable, quelque chose d'inadmissible pour lui ! Et la blondasse d'en rajouter... - Georges, tu peux pas laisser passer ça ! Réagit bordel... - T’as raison. J’appelle immédiatement Robert - C’est qui ça ? - Un copain que j’ai connu en Algérie. Il travaille à la Préfecture de Région à Bordeaux. Allô, Mademoiselle, passez moi Robert Clopineau, c’est urgent ! - Désolée Monsieur, mais Monsieur Clopineau est absent. - Ouais. C'est ça... À d’autres ! Ici Georges Plassard des RG. Clopineau est un ami. J’vous préviens, si vous faites barrage, il pourrait vous en cuire, chère Mademoiselle ! - Euhhh, j’vous l’passe tout de suite... - Clopineau ? Plassard à l’appareil ! - Ah, salut Plassard. - Je suis à l’Herbe, au Cap Ferret. Tu connais ? - Si je connais ? Mais j'ai une baraque au Ferret. Tu parles si j’connais. Qu mon vieux ? - J’suis passé - y a deux minutes - devant une mosquée clandestine ! C'est sûr, les basanés préparent un attentat. Ils doivent être au moins 17. Faut intervenir et fisc. Sinon il va y avoir ici. Je ne sais pas ce qu'ils préparent mais ça ressemble à un attentat contre une vedette pleine de touristes !!! - Wow... Je mobilise immédiatement le RAID... En quelques minutes, le plan "Calypso" est déclenché; Le Cap Ferret s'en trouve totalement bouclé. Trois vedettes rapides traversent le bassin depuis le port d'Arcachon. Deux hélicoptères, blindés de commandos, décollent de la base 107. De partout, les forces spéciales de la Police rapliquent à l’Herbe en à peine un quart d'heure. Fabienne, pétocharde, a trouvé refuge dans la Volvo dans laquelle elle s’est cloîtrée. Les hommes du RAID interceptent tous les bateaux zone : voiliers, hors-bords, pinasses, planches à voile, kayaks de mer, plates ostréicoles, vedettes touristiques... Leurs passagers sont tous arrivés. Ils sont débarqués tout au long du cap sous bonne garde. Pendant ce temps, une escouade - armée jusqu'aux dents - assiège la mosquée. Robert - déposé par hélicoptère express - retrouve Georges sur les lieux. On se renseigne sur le propriétaire de la baraque suspecte. Il s’agit d’un certain Benjamin Gaume, un jeune local qui exerce la profession de guide touristique saisonnier sur un petit bateau proposant la visite des parcs ostréicoles sauvages situés à proximité des cabanes tchanquées. Il est rapidement repéré. On l’interpelle, on l’emmène au QG installé Boulevard de la Plage afin de le questionner... - Qui es-tu, espèce de salaud? Nom, prénom, date et lieu de naissance, adresse, profession ? - Mais vous tes tombés sur la tête pour traiter les gens comme ça !!! - Ta gueule ! Nom, prénom, date et lieu de naissance, adresse, profession ? - Pourquoi ? J'ai rien fait ! J’m’appelle Benjamin Gaume. J’suis d’ici. J’suis né à la clinique d'Arès... - Rien fait ??? Mais t'es qu’une sale petite pourriture... - Moi ? Mais vous êtes fous ou quoi ? J’ai qu’un p’tit bateau et je fais découvrir le bassin aux touristes. - Et ils sont où les terroristes ? - Les terroristes ??? Quels terroristes ? - Fais pas l’malin avec nous, mon gars. T’es cuit. Tu vas en prendre pour vingt ans minimum. - Mais, bordel, qu’est-ce que vous me reprochez à la fin ? - Tu organises des prières clandestines dans ta baraque !!! Tu croyais avoir trouvé la couverture idéale ? Ben c’est raté. Tu t’es fais gauler, mec. - Quoi ? Quand ? Comment ? J’suis même pas croyant. Mon père est charcutier au marché municipal d’Andernos ! J’suis même pas pas circoncis ! - Fais voir ? Ah... ben ouais, effectivement. Bon... C’est quoi toutes ces babouches devant ta cabane ? - Mais c’est les tongs et les tennis de mes clients, ça. C’est pas aut’chose. Demandez leur ! Comme on va découvrir l’Ile aux Oiseaux et les bancs d’huîtres sauvages tout autour, mieux vaut qu’on soit équipés de sandales spéciales anti-coupures. Ces bancs d’huîtres des sables sont des lieux inhospitaliers pour les pieds car leurs coquilles sont extrêmement coupantes. Je fournis à mes clients des espadrilles pour éviter qu’ils ne se blessent. C’est tout. Y a pas de prières ni de trucs comme ça. Vous vous gourez complètement. - C’est quoi ces informations de merde là ? C’est qui qui a lancé l’alerte au djihad ? - C’est Clopineau mon Lieutenant ! - Qui ? - Clopineau ! - Mais c’est qui ça, Clopineau ? - C’est un mec de la Préfecture de Région !!! Il a reçu un tuyau par un indic qui a vu des islamistes préparer un attentat contre une vedette pleine de touristes. - Et ils sont où ces deux mecs ? - Juste à côté. Ils coopèrent. - Ils quoi ? - Ils participent à l’opération. - Mais c’est quoi ce foutoir ? Depuis quand des civils interviennent avec nous ? On est le RAID, bordel de merde. On est l’élite ! Allez me les chercher ces deux connards. Libérez tous les prisonniers et laissez repartir tous les bateaux !!! - À vos ordres mon Lieutenant. Quelques instants plus tard, Clopineau et Plassard, poussés sans ménagement dans la camionnette noire qui sert de QG, sont présentés au Lieutenant Tronchard. On les menotte chacun à une chaise... - Vous ! Déclinez votre identité ! - Robert Clopineau. Secrétaire du Préfet de Région. Réserviste de l’armée de terre au titre de capitaine ! - Et vous ? - Georges Plassard. Ancien actif de la Police Nationale au titre de brigadier-chef. Retraité en qualité de Major des RG. Spécialiste de la traque aux musulmans radicaux dans le cadre de la cellule anti islamiste du ... - OK ! Qui a informé l’autre ? - C’est moi qui ai appelé Robert parce qu’il y avait danger imminent d’attentat. - Ah ouais ? Et qu’est-ce qui vous a fait pensé à ça ? - Les babouches devant la p’tite mosquée, juste là, sur le bord de la jetée. - Mais c’est pas une mosquée ! - Si si. Allez y voir vous même. Ça ressemble à une cabane de pêcheur mais c’est une couverture, en fait. En vrai, c’est un lieu de rassemblement pour les bougnouls. - C’est qui que vous appelez comme ça ? - Ben les bicots, les ratons quoi. - Les quoi ? - Les arabes si vous préférez. Vous êtes sourd ou vous le faites exprès ? - Vous vous foutez de ma gueule ? Pourquoi vous les appelez comme ça ? C’est du racisme pur et dur ça ! Du racisme de facho... Et c’est puni par la Loi ! - J’les aime pas, les melons... - J’avais cru comprendre. Vous savez combien ça va coûter au contribuable votre petite affaire là ? - Non. Et j’m’en fous royalement ! - Ah oui ? Je vous transfère illico au parquet de Bordeaux. Un juge d’instruction du Parquet anti-terroriste vous y attend. Vous allez en prendre plein la gueule !!! - Mais ! Attendez... Y a un malentendu là ! Vous n’avez pas le droit de... - Effectivement. Un malentendu, comme vous dites... Allez, embarquez moi ces deux barjots !! Quand je vous l’disais qu’il se passe toujours des choses extraordinaires autour de notre sublissime Bassin !
Alain KERZULEC: Opération "KALYPSO"