Dans les années 1980, arrivé à l’âge adulte, Paul, natif du Bassin d’Arcachon décida de « monter à Paris » pour rejoindre l’élue de son cœur Alice. Il l’avait rencontrée pendant l’été dans la station balnéaire d’Andernos-les-Bains où elle passait ses vacances. Arrivée dans la capitale, il n’eut pas longtemps à chercher du travail car Alice, infirmière à l'hôpital de la Salpêtrière, réussit à lui obtenir un poste d'agent hospitalier. Après de nombreuses recherches, ils trouvèrent, Porte de Choisy, au cœur du quartier chinois proche de l'hôpital, un studio perché au 23ème étage depuis lequel ils avaient une vue magnifique sur Paris. De là, Paul avait l’impression de dominer la situation, et se sentait prêt à croquer sa nouvelle vie parisienne auprès de sa compagne ! Il était vraiment heureux du poste qu'il occupait dans ce lieu historique où il accédait fièrement en traversant la loge d'entrée. C'est là que se croisaient, pour pointer, tous les travailleurs qui entraient et sortaient. Face à cet endroit, s'élevait un grand corps de bâtiments en pierre de taille avec en son centre, la chapelle au dôme imposant qui en rompait l’austérité. Il passait à travers cet espace pour se rendre dans le service de médecine générale où il avait finalement été affecté. Il ne fallait pas laisser s'emballer son imagination, il était là pour travailler, s'adapter à un labeur assez physique : apporter les prises de sang au laboratoire, récupérer les résultats, aller chercher des médicaments à la pharmacie centrale, ramener de la banque du sang des culots, laver des gamelles en acier et aider le personnel soignant à coucher les malades. Il savait qu’il devait attendre sa titularisation pour faire évoluer sa carrière. Mais dans le service de médecine générale où il avait été nommé, dès qu’il le pouvait, il s’initiait aux soins qu’il aurait à faire plus tard s’il devenait infirmier. Un jour, peu de temps après avoir commencé à travailler dans ce service, il lui arriva une drôle d’aventure. Revenant des courses qu’il avait à accomplir dans ce vaste hôpital, il retourna à la salle commune pour apprendre quelques soins faciles mais l’équipe médicale était en pause. A peine était-il entré dans la salle, que les patientes presque toutes âgées, commencèrent à hurler : « Le bassin, le bassin ». La tête un peu tournée par un tel enthousiasme, il avait du mal à comprendre cette agitation. Mais oui, il avait presque oublié qu'il était natif du Bassin d’Arcachon ! Il n'avait jamais pensé qu'il avait habité un coin aussi célèbre et dans une bouffée de fierté redressa son bassin, oh... je veux dire son corps. « Le bassin, le bassin » continuaient à crier les grands-mères. Il étendit la main pensant les calmer « Le bassin, le bassin... » mais devant l’inefficacité de son geste, il prit conscience qu'il devait s'égarer. Il passa en revue tous les bassins qu'il connaissait mais un cri impératif le fit sortir de ses méditations : « Mais qu'est ce que vous attendez, je vais me faire pipi dessus ! » Il découvrit alors ce fameux bassin, objet incontournable de la vie hospitalière. Il fit ainsi son premier apprentissage. Plus tard, il apprit à distribuer les thermomètres et à noter la température des patients sur une petite pancarte qui était accrochée au pied du lit. De même, il apprit aussi à prendre la tension et le pouls et à les noter. Aujourd'hui, c'était jeudi et il semblait à Paul que cette semaine de travail était interminable. Dimanche soir, il rendrait son tablier ou plutôt sa blouse blanche salie par une longue semaine de labeur. Il imaginait ce lundi de repos et toutes les heures de ces journées de congé. Le matin, il prendrait avec Alice qui avait enfin les mêmes repos que lui, le train rapide qui le ramènerait vers sa province natale. Arrivé à la gare d'Austerlitz, il achèterait au kiosque le journal Sud Ouest et une revue nautique. Installé dans le premier wagon accroché</span><span>à la locomotive, une BB 92 56, machine capable de soutenir les 140 km/h, d'avaler la campagne à cette vitesse et de le transporter d'un monde à l'autre. Il attendrait avec elle, l'heure exacte où le train prendrait son élan pour ce long voyage à travers la campagne et se voyait déjà prenant un café au wagon grill express qui se trouvait au milieu de la rame.Tout serait en ordre et à l'heure dite, le train démarrerait. Il se sentirait rassuré. Un petit goût d'aventure s'emparerait de lui quand il monterait les marches du wagon et qu’il suivrait avec Alice l'étroit couloir à l'odeur caractéristique du passage des nombreux voyageurs. Il chercherait alors pour eux un compartiment vide. Mais avant de savourer ce moment de liberté, il lui fallait d'abord installer Micheline, la sœur de Georgette dans son lit ! « Tu viendras me coucher » lui avait-elle dit de sa voix fluette. Encore une de plus à coucher avait-il pensé avec sa conscience professionnelle qui s'effritait de jour en jour. Mais la pause si attendue, agrémentée par bonheur de deux jours de repos supplémentaires, arriva enfin. Paul et Alice purent descendre pour retrouver le Bassin, berceau de leur amour naissant. Paul revivait quand il arrivait dans sa région. Tout lui paraissait plus beau et plus familier. Cette cité balnéaire avait une longue histoire qu’il raconta fièrement à Alice. Au temps de la préhistoire des hommes s’y étaient déjà installés, vivant de pêche, de chasse et de cueillette. Il y avait aussi des vestiges de la période gallo-romaine sur le site où avait été construite plus tard l’église St Éloi, un des relais du pèlerinage de St Jacques de Compostelle. Au 19 ème siècle, Andernos s’était développé comme station balnéaire avec une architecture caractéristique dont la maison Louis David était un des plus beaux symboles. Tous les deux appréciaient les maisons aux dimensions modestes entourées d’un coquet jardin qu’ils découvraient le long des rues intimes où ils aimaient se promener. On y sentait une douceur de vivre, un air de vacances où il faisait bon séjourner. Le soir, tout le monde convergeait vers la jetée la plus longue du Bassin où l’on pouvait observer le coucher du soleil sur les cabanes ostréicoles qui vous invitaient à déguster les fameuses huîtres. Au loin, dans la direction du soleil couchant, les pins façonnés par les tempêtes sur l’avancée du site naturel des Quinconces retenaient le regard. Certains soirs, le spectacle était saisissant. Particulièrement, le soir où Alice lui offrit son premier baiser émue par la beauté du lieu. En avançant au bout de la jetée on pouvait observer au loin l’Île aux Oiseaux et l’ensemble du Bassin. Au retour, on pouvait se restaurer en prenant une glace ou en s’asseyant dans un restaurant ou un café pour écouter un orchestre de jazz. Mais aujourd’hui, comme le temps était moins propice à la plage que l’été de leur rencontre, ils décidèrent de faire une balade en mer. Les parents de Paul avait un petit voilier doté d’une cabine qu’il pouvait emprunter facilement car il pratiquait la voile depuis son enfance. Ils lui recommandèrent d’être prudent car un bon vent soufflait. Il décida de ne gréer que la grande voile et ils partirent en direction de l’Île aux Oiseaux en tirant des bords, car il avait le vent debout, c’est à dire face à eux. Il fallait slalomer entre les piquets qui délimitaient un chenal étroit. Heureusement le dériveur était très maniable et stable grâce à sa voilure réduite et ils purent enchaîner de nombreux virements de bord en toute sécurité. Il fallait coordonner leurs mouvements pour que le voilier reste bien à plat, et reprenne vite son cap en réglant rapidement la grande voile pour ne pas perdre du terrain avant d’arriver vers des espaces plus larges. C’était un vrai plaisir de naviguer dans ses conditions. Il sentait dans la barre la puissance du bateau qui rebondissait de vague en vague. Il fallait bien le tenir pour qu’il ne gîte pas trop car ils auraient pu embarquer de l’eau. Paul était heureux de naviguer et de montrer à son amie son savoir faire nautique émaillé de termes techniques qu’elle avait du mal à retenir et à comprendre. Le bateau n’était pas sa passion mais elle était fière de son capitaine dont le visage rayonnait de bonheur. Tous deux respiraient à pleins poumons l’air pur du Bassin et des embruns venaient fouetter leur visage. Ils se serrèrent l’un contre l’autre pour trouver un peu de chaleur. Ils étaient heureux d’être ensemble et d’oublier si vite les contraintes de la vie quotidienne. L’hôpital était bien loin d’eux quand ils virent qu’ils approchaient des fameuses cabanes tchanquées situées au milieu du Bassin qui, à marée haute, ont les pieds dans l’eau. Malgré la beauté magique du lieu, Paul s’inquiéta quand il vit une grande barre de nuages violacés arriver de l’océan face au Cap Ferret. Il décida qu’il était grand temps de revenir vers Andernos malgré l’insistance de son amie qui aurait voulu profiter encore du panorama. C’est à ce moment qu’Alice remarqua une plate, bateau d’ostréiculteurs qui paraissait en difficulté car une femme agitait ses bras pour demander de l’aide. Elle demanda à Paul de s’approcher de l’embarcation mais le vent s’était levé brusquement rendant la manœuvre délicate. Malgré les efforts de Paul, ils se virent drossés par le vent et par un fort courant vers des piquets qui délimitaient le parc à huîtres non loin de l’autre bateau. Pendant que Paul amarrait le voilier à un des piquets en bois et en faisant de son mieux pour que la coque ne subisse pas trop les assauts du vent, Alice essayait de stabiliser le bateau. Elle réussit à communiquer avec l’ostréicultrice qui lui fit comprendre que son mari s’était blessé et saignait beaucoup. A la grande frayeur de Paul, elle sauta à l’eau ayant compris qu’il y avait une urgence. Il eut juste le temps de lui passer une longue corde qui lui permettait de relier les deux bateaux. Alice, bonne nageuse n’eut pas trop de mal à les rejoindre malgré des vagues qui commençaient à déferler. Elle fut saisie par le bras costaud de la femme qui l’aida à monter à bord. Elle leur dit qu’elle était infirmière et leur demanda de se calmer et de lui passer la trousse de secours pendant qu’elle se séchait avec une serviette. Elle examina la plaie au visage qui paraissait impressionnante car le sang ruisselait sur son œil, sa joue et les vêtements. Elle détecta rapidement que c’était l’arcade sourcilière qui avait éclaté. Elle demanda qu’on lui passe des compresses pour rapprocher les deux berges de la plaie et les compresses en même temps longuement pour que l’hémorragie s’arrête. Alice rassura son patient et surtout sa femme qui n’arrivait pas à brancher la VHS, radio des bateaux qui peuvent communiquer entre eux ou avec les secours. Elle lui dit d’attendre car si elle arrivait à arrêter le flux de sang, elle saurait le soigner toute seule. Mais elle s’inquiétait pour Paul et son bateau. Pendant ce temps, celui-ci essayait d’enlever la voile car le vent s'y engouffrait et poussait le bateau vers les piquets. Après bien des difficultés, il réussit à la baisser et l’embarcation devint plus stable. Avec l’aide de l’ostréicultrice qui tira la corde, ils arrivèrent à le dégager des piquets pour le placer derrière la plate. Il put alors sauter à l’eau pour les rejoindre. Il tremblait comme une feuille quand il monta sur le bateau et trouva Alice en train de soigner l’ostréiculteur comme si elle se trouvait dans son service. Les soins finis, ils se présentèrent. Jeannot et Yvette, ostréiculteurs à Andernos. Paul et Alice, des parisiens en vacances. Jeannot leur dit avec son franc-parler qu’il n’aurait jamais cru qu’il serait un jour sauvé par des habitants de la capitale mais les félicita. Il était grand temps de rentrer avant de se trouver à marée basse. Cela ne prit guère de temps car la plate possédait un moteur puissant qui les remorqua sans problème malgré le vent très fort. Arrivés au port ostréicole d’Andernos, ils furent reçus comme des héros par les autres ostréicultures car la VHS avait finalement annoncé les nouvelles des rescapés. Dans les cabanes, ce fut la fête. On arrosa l’événement au petit jaune sans oublier les huîtres. Les verres se succédèrent car on les remplissait vite pour éviter la marée basse ! A la suite de ce sauvetage, Alice et Paul devinrent vraiment enfants du pays d’autant plus qu’ils se marièrent quelques mois plus tard à l’église St Éloi en bordure du Bassin.
François VERGNOLLE: Les charmes du Bassin
LA DÉPÊCHE DU BASSIN MINIER N°1403 du jeudi 12 juillet au mercredi 18 juillet 3032 ___________________ Nord-Pas-de-Calais ___________ Elio, départ pour le rêve Originaire de Lens, Elio est un petit garçon de neuf ans comme les autres, à ceci près qu’il a dans la tête un endroit merveilleux et connu de lui seul. Il appelle son jardin secret le « Bassin d’Arcachon ». Ce lieu énigmatique semble sorti tout droit de son imagination. Et pourtant... 24 juin, 7 heures du matin. Elio, sa sœur Margot (treize ans) et leurs parents, Elsa et Marc Laborde, quittent la banlieue de Lens et prennent la route pour le Sud-Ouest. Direction l’hypothétique « Bassin d’Arcachon » qui hante Elio depuis toujours. Elsa au volant, le coffre plein de valises et de paquets, Polly le perroquet en cage sur le siège arrière, calé entre les deux enfants, le trajet promet d’être long au vu des quelques 844 kilomètres à parcourir. « Elio serait un enfant comme les autres si quelques particularités ne le rendaient particulièrement attachant, explique Elsa. Ce ne sont pas ses yeux vairons ni son amour immodéré pour les perroquets qui font de lui un être à part, c’est surtout ce pays imaginaire qu’il s’est construit... Ça ne le quitte jamais. Il nous a souvent emmenés dans son histoire et nous l’avons toujours écouté, c’est important. C’est nous qui l’emmenons aujourd’hui, là ou nous devons aller, tous ensemble. » Le garçon indique d’un doigt ferme un point précis sur la carte, « C’est là que nous allons » affirme-t-il sans hésiter. « On verra bien... » ajoute Marc, dubitatif. « Il existe une région où la mer entre dans la terre et repart avec la marée, raconte Elio. Tout autour il y a du sable et des pins. Les pins sont des arbres avec des aiguilles et les fruits s’appellent les pommes de pin. Il y a aussi une grande dune de sable de plus de cent mètres de haut. Elle est si grande que de là-haut on peut voir l’autre bout du bassin d’Arcachon : le Cap Ferret. » Toute une flore et une géographie fictives sont en place, la carte mentale est confondante de réalisme. Au fond du bassin se trouve « Arès et les prés salés », des champs tantôt recouverts d’eau, tantôt découverts quand la mer se retire... Une véritable poésie émane des descriptions du petit garçon. L’imagination règne en maître, et il en faut une bonne dose quand on sait la réalité de cette région sinistrée, outragée par l’urbanisation et la bétonisation sauvage. Les constructions massives ont largement dégradé l’image du Sud-ouest à tel point que s’y rendre autrement que par nécessité devient une véritable curiosité aux yeux des gens du Nord. « C’est pure folie que d’aller là-bas » confiera un voisin des Laborde au moment de leur départ. C’est pourtant le défi que relève aujourd’hui la petite famille sur les conseils limpides du docteur D., pédopsychiatre à Lille qui suit l’enfant depuis deux mois : « Il est essentiel pour Elio d’aller se confronter à son rêve. Le subconscient transcende des horizons de l’essence multidimensionnelle, dissolvant ainsi les échos éthérés des névroses existentielles, dans un paradigme quantique d’introspection métaphysique. Bref, ce voyage lui montrera que tout n’est que fantasme et inversement. » Les kilomètres défilent sous le ronronnement du moteur et le temps est long pour Margot, adolescente rebelle et incrédule. Après plusieurs heures, elle sort de son marasme et s’exprime enfin : « C’est n’importe quoi ce voyage, on roule des kilomètres pour rien. » Tout est dit. Maman rétorque : « Il est important d’écouter ton frère. Il exprime sûrement une souffrance, nous devons le rassurer, l’accompagner jusqu’au bout de son rêve. Ce voyage le fera grandir. » Ça tient la route</span><span>Mais le pragmatisme de ses proches ne décourage pas Elio dont la source créative ne tarit pas. Son histoire tient la route malgré quelques incohérences, ainsi « la dune de sable » se nomme « Dune du Pilat » mais le village d’à côté s’écrit « Le Pyla »... Contrairement à Margot, nous ne lui en tiendront pas rigueur tant son histoire nous émeut. « En face de la dune il y a une église, c’est une sorte de villa rouge et blanche. Elle est construite comme dans le désert et elle regarde la dune du Pilat. C’est la villa algérienne. » L’exotisme s’y mêle, et c’est un enchantement de l’écouter parler. Tout y est, même les habitudes alimentaires des autochtones : « Ils mangent des « huîtres ». Nouvelle étrangeté que ces « huîtres » dont il parle avec délice et dégoût à la fois. « C’est un coquillage qu’on ouvre avec un couteau spécial et qu’on avale vivant tout cru ». Tout simplement... « Les cabanes de pêcheurs sont comme un petit village avec des rues en sable et les gens peuvent aller dans le bassin après le travail ou dans l’océan parce que tout est à côté. Il y a beaucoup de végétation, des palmiers, des fleurs et dans l’eau, des hippocampes.» Des hippocampes ? « Des animaux bizarres en forme de cheval qui nagent tout droit et ce sont les mâles qui portent les bébés ». Evidemment ! On resterait des heures à l’écouter. Midi, pause déjeuner sur une aire d’autoroute. On sort Polly pour l’aérer. A la vue d’un pain au chocolat, Polly lance un tonitruant « chocolatine ! » des plus déroutants. Le volatile semble lui aussi inventer son propre vocabulaire... Il faut dire que les deux complices sont connectés : plus qu’un « doudou », l’oiseau est un véritable confident pour Elio. Marc taquine son fils : « Au lieu de parler à ton perroquet, raconte-nous plutôt l’histoire de ces maisons sur pilotis si j’ai bien compris, qui trônent au milieu d’une île déserte... Les cabanes « planchées » c’est ça ? » Son interlocuteur lève les yeux au ciel et, s’adressant à Polly : « Il ne comprend rien, ça fait mille fois que je lui dis. Les cabanes Tchanquées ! Deux maisons sur des bâtons qui sont sur l’île aux Oiseaux. A marée haute, la mer passe en dessous des maisons. Je t’y amènerai demain mon Polly, promis. »</span><span>Elsa et Marc ont beau chercher, rien ne peut expliquer ces descriptions souvent très détaillées. Peut-être avaient-ils croisé un jour des maisons sur pilotis pendant leurs vacances ? Ou bien a- t-il vu ces architectures dans un livre ? Sur le Net ? Quand bien même trouverait-on une origine rationnelle à ses visions, cela n’explique pas comment et pourquoi il a retenu tout ces détails au point d’en réaliser des dessins très précis. « Pour atteindre la réalisation de soi, Elio doit transcender les niveaux subconscients de l’être en éveillant les chakras supérieurs tout en intégrant un archétype psychique transpersonnel » précise le docteur D. 15 heures. C’est la bonne direction mais « toujours pas de panneau Arcachon », ironise Marc qui a désormais pris le volant. Elsa lui lance un gentil coup de coude tandis qu’Elio s’endort, bercé par le mouvement léger du véhicule. Du rêve à la désillusion 18 heures, l’autoroute a bien roulé, nous arrivons à destination, un lieu précis appelé « l’Herbe » et qualifié par Elio de « merveilleux ». Mais le réveil de l’enfant est brutal. Pas plus d’Herbe que de « pins ». Où sont « la Dune du Pilat » et les plages de sable blanc ? Il était question d’un point de vue panoramique où l’on devait observer des cabanes de pêcheurs au bord d’une eau paisible ponctuée de « pinasses » (les bateaux du coin) et, dans le lointain, la majestueuse Dune du Pilat. Le promontoire existe bel et bien mais sous un autre nom et il fait triste mine. Rien de miraculeux ne s’offre à la vue du petit rêveur. Polly, lui qui partage tout, reste dans la voiture. A quoi bon lui montrer le désenchantement? Tout n’est qu’immeubles à perte de vue, rouleaux de bitume charriant des files de véhicules ininterrompues. Ici, des centres commerciaux écrasants, étalés comme de larges verrues ; là des parkings inondés de fumées et des tours sans fin, symboles d’une architecture galopante et non maitrisée. Les remparts Barthorette, du nom de leur concepteur, s’érigent lourdement contre les assauts d’une mer déchaînée toujours encline à monter davantage chaque année en puissance. Le niveau des eaux a imposé des digues si hautes qu’au beau milieu de l’après- midi, l’ombre se répand déjà sur un monde de ténèbres en perpétuelle activité. Ces murailles censées protéger des eaux isolent définitivement l’humanité d’une nature jadis si belle. Elio se souvient-il de ces temps antédiluviens où de probables civilisations prospéraient dans l’harmonie et la lumière ? Arcachon a perdu sa consistance et se dilue irrémédiablement sous les yeux en larmes d’Elio. Il ne dit plus rien, seul son regard parle pour lui, un œil clair qui espère, un œil sombre en deuil. « Génial ! » commente Margot avec ironie. « Il n’y a rien à faire ici, c’est nul.» Elsa et Marc ont du mal à la contredire. Elio, dans les bras de sa maman, restera muet jusqu’à l’hôtel où les Laborde resteront une nuit « pas plus » pour se reposer et se remettre de leurs émotions. Le retour à Lens tire un trait sur les rêves envolés et les illusions perdues. La fin du voyage signe la fin de la naïveté et de l’innocence. 30 juin. Elio n’ose plus parler d’Arcachon. Il y croit toujours pourtant, sa maman recueille encore, le soir, ses courageuses confidences. Imagination fertile ? Réminiscences d’une autre vie ? Réincarnation ? La réponse viendra dans l’après-midi lors d’un vide-grenier. Les faits sont têtus Parcourant une brocante de quartier avec Elio, Marc est attiré par un objet en verre au milieu d’un étal en bazar. C’est une petite boîte de forme rectangulaire contenant du sable et, sur le couvercle, un paysage marin peint à la main, bordé d’une grande dune de sable. Dans le ciel, écrit en lettres jaunes : « Bassin d’Arcachon ». Sur le visage de son père, Elio lit la stupéfaction. Il comprend qu’un événement incroyable vient de se produire. La probabilité pour tomber sur une boîte marquée d’un mot inventé de toutes pièces par son enfant est faible. Coïncidence ? Malice du fiston qui aurait discrètement placé une boîte de sa confection sur le présentoir ? Le brocanteur affirme ne pas connaître la provenance de ce vieil objet qu’il cède à Marc pour trois fois rien. Pour Margot, « c’est du mytho » tandis qu’Elsa se lance dans des recherches qui resteront infructueuses. Notre rencontre avec Elio s’achève sans réponse et le mystère reste entier, mais une chose est sûre : le petit explorateur d’un autre monde a trouvé son bonheur car lui seul sait qu’il a raison. C’est la boîte qui le dit. (Propos recueillis par Laurent Delacouette.)
David POHIC: Elio, départ pour le rêve
Il faut lui reconnaître cette qualité, Jeanne était une femme très courageuse, mais surtout c'était une virtuose, elle jouait admirablement du piano. Son rêve d'être pianiste internationale fut tué dans l'œuf par ses parents, qui y mirent un véto immédiat. Il n'y avait pas d'explications, c'était comme ça. Une jeune fille « de bonne famille », pianiste, ça ne se faisait pas. Alors Jeanne continua à travailler son piano par plaisir. Elle se maria et eut deux filles et un garçon. Puis la grande Histoire s'est mêlée salement à son histoire. C'était celle d'un moustachu, déçu dit-on d'avoir échoué à l'examen d'entrée de l'Académie des beaux-Arts, qui décida de transposer ses désillusions créatrices dans un autre domaine : la destruction du peuple juif et autres « sous- hommes, tels que les Tziganes, les malades mentaux... Sans doute un magnifique exemple de sublimation pour les psychanalystes. Suzanne avait six mois, Élisabeth quatre ans et Paul onze ans. Lorsque sa maman lui cousit une étoile jaune sur son blaser, Paul prit alors conscience à ce moment-là de sa judéité. La famille fut plongée dans un véritable cauchemar au quotidien. Pendant toute cette période d'angoisse, de peur et d'incertitude, du matin au soir et également pendant ses nuits, Jeanne se demandait comment elle allait nourrir ses enfants. C'est avec cette question torturante qu'elle dut partir un matin, seule avec ses trois enfants, au volant d'une voiture qui lui avait été prêtée par des amis, pour retrouver des cousins dans la France libre, à Villeneuve-lès Avignon. Son mari Jules, devait régler des affaires pour son travail, mais lui promit de la rejoindre très rapidement. Elle avait dans le coffre une petite réserve de pain, de jambon et d'eau. Son angoisse était accentuée par le fait qu'elle n'avait pas l'habitude de conduire sur de longues distances. Avec ce temps magnifique, les enfants étaient insouciants, ils avaient l'impression de partir en grandes vacances. Elle arriva finalement à bon port sans trop d'encombres et fut accueillie chaleureusement par une de ses cousines. Jules put finalement prendre la route peu de temps après. Quand il arriva sur la place du village de Villeneuve-lès Avignon, il apprit en écoutant deux dames discuter, que neuf personnes avaient été arrêtées, dont cinq femmes. Son cœur se mit à battre. Il ne posa de questions à personne, il était extrêmement méfiant. Il savait que partout, il y avait des gens zélés qui surveillaient leur environnement et rapportaient tout événement suspect à la police. Il partit vite rejoindre sa famille. Tout le monde était sain et sauf et heureux de se retrouver. Jules ne le sut qu'après, mais s'ils eurent la vie sauve et échappèrent à la déportation, c'est bien sûr parce qu'ils n'avaient pas croisé la mauvaise personne au mauvais moment, mais c'est aussi parce qu'il avait eu la bonne idée de ne pas s'identifier, en inscrivant leur nom dans le registre du village, comme l'exigeait la procédure légale. Quelque temps après, Jules partit en Espagne pour rejoindre le Général De Gaulle qui était à Londres, il fut dénoncé par un passeur et fut déporté à Auschwitz. Ce fut un drame pour la famille. Paul perdit sa voix. Après de nombreux examens, les médecins conclurent à une aphonie d'ordre psychologique. Jeanne, dépassée par toutes ces émotions, tomba dans une sorte d'état dépressif. Elle dormait beaucoup, avait du mal à se lever le matin. Elle qui était toujours raffinée, portait des tenues négligées. Ceux qui ont survécu à cette saleté de guerre n'en sont pas sortis indemnes. Même s'ils ne le montraient pas, ils étaient traumatisés par ce qu'ils avaient vécu, parce qu'ils avaient perdu des êtres chers, pour certains des pans entiers de leur famille, ou tout simplement parce qu'ils portaient la culpabilité d'être vivants. Jeanne finit par sortir de sa torpeur. Elle n'avait pas le choix, elle devait s'occuper de ses enfants. Elle fit les démarches nécessaires pour changer de nom de famille. C’était un crève-cœur pour elle, mais elle pensait avant tout à l'avenir de ses enfants. Ensuite, pour subvenir à leurs besoins, elle décida de donner des cours de piano. Aussi étrange que ça puisse paraître, elle se convertit au catholicisme. Quelles étaient ses motivations profondes ? Un coup de folie après les atrocités qu'elle avait vécues ? Cherchait-elle à fuir le passé ? Voulait-elle se donner une apparence pour protéger sa famille ? Ou en découvrant cette religion, y avait-elle trouvé véritablement quelque chose qui lui correspondait ? Non seulement elle se mit à aller à la messe tous les dimanches, mais elle exigeait que tous ses enfants viennent. Elle les mit au catéchisme. Les années passant, Paul ne savait pas trop comment il allait orienter son avenir. Sa mère lui avait trouvé un professeur de violoncelle. La musique devint son grand bonheur. Il travaillait beaucoup et faisait régulièrement des duos avec sa mère. C'était un peu la façon qu'ils avaient trouvée tous les deux pour communiquer. Il avait un tempérament doux, rêveur. Il était profondément gentil. Il avait à cœur de rendre service, de se faire aimer en faisant plaisir. Lentement, mais sûrement, Jeanne lui mit dans la tête qu'il pourrait devenir prêtre. Paul n'était pas du tout convaincu par tous les arguments que sa mère lui présentait. Il aurait préféré rentrer dans un orchestre. Jeanne lui signifia que c'était extrêmement difficile de gagner sa vie, qu'il y avait très peu d'élus et qu'il ne s'agissait aucunement d'un renoncement à la musique. Elle aussi avait dû renoncer à une grande carrière musicale, mais la musique l'accompagnait cependant tous les jours. C'est encore une fois, par manque d'affirmation et pour faire plaisir à sa mère que Paul démarra une formation philosophique et biblique fondamentale pendant deux ans. Puis il fit un master de recherche en théologie pendant trois ans et termina par une année qui l'amena au niveau doctorat en théologie. Il fut ensuite ordonné prêtre. Il se lia d'amitié avec un prêtre qui travaillait dans les prisons. Paul se dit que cela donnerait du sens à sa vie de devenir aumônier. Il suivit une nouvelle formation et se mit à aller à la rencontre des détenus, en se promenant dans les couloirs de la prison. Il appréciait beaucoup ces moments d'échange avec eux. Il écrivait sur un carnet pour s'exprimer et il se servait également de la musique. Il se déplaçait toujours avec son mini-lecteur de CD. Il se mit dans l'idée qu'il pourrait peut-être contribuer à les mettre sur la voie de la reconstruction. C'est dans cet univers carcéral qu'il fit la connaissance d'Elisa, une jeune femme de vingt-six ans. Elle était complètement recroquevillée dans sa cellule lorsqu'il la découvrit la première fois. Elle ne prit pas la peine de le regarder. Il revint le lendemain pour la saluer à nouveau. Toujours pas un mot en retour. Cela dura une semaine. La semaine suivante, il inséra dans son lecteur de CD, la suite n° 1 pour violoncelle de Jean Sébastien Bach. Surprise, Élisa se redressa et prit conscience de sa présence. Au fur et à mesure, elle se détendit. Il aperçut son visage avec ses yeux tristes. À la fin du morceau, le silence se fit à nouveau. Puis, au lieu de lui poser des questions, Paul lui écrivit sur son petit carnet, qu'il jouait du violoncelle, que la musique avait une très grande importance dans sa vie. Elle le regarda enfin dans les yeux. Il lui écrivit sur son carnet : vous pouvez garder l'appareil, je vous apporterai d'autres musiques. Il entendit enfin le son de sa voix : «merci». Les fois suivantes, Elisa commença à lui poser des questions. Puis elle lui raconta qu'elle était là car elle avait aidé un copain algérien sans papiers à venir en France. Elle l'avait rencontré lors d'un séjour en Italie. Elle l'avait même hébergé quelque temps. Paul vint régulièrement la voir. Il s'aperçut qu'il commençait à s'attacher à elle et à négliger les autres détenus. Il pensait à elle également quand il était à l'extérieur de la prison. Cela le troubla. Ils se mirent à échanger beaucoup, à rire ensemble. Elle lui dit qu'elle avait hâte de sortir, de reprendre sa vie d'avant. Elle adorait les animaux et était éducatrice canine. Elle formait notamment des chiens pour qu'ils deviennent guides d'aveugles. Au bout de quelques mois, Elisa annonça à Paul que le grand jour était arrivé, elle allait enfin pouvoir retourner chez elle. Elle lui prit les mains, le regarda dans les yeux et lui demanda s'il viendrait la voir chez elle à Biganos en Gironde. Paul fut très troublé par ce contact physique. Il lui confirma que bien sûr, il viendrait la voir. Elle lui donna son adresse. Paul traversa une période de confusion, il dormait mal la nuit, il pensait à Elisa. Il se demandait si c'était une bonne idée d'aller la voir.<br>Mais le cœur prit le dessus sur la raison. Quand il arriva chez elle, en fin d'après-midi, il la vit en train de travailler dans son jardin avec un Golden Retriever. Elle était douce, patiente. Pour la première il la vit avec ses longs cheveux châtains détachés. Il fut à nouveau troublé par sa beauté. Elle l'aperçut et lui fit signe d'entrer. Elle était surprise mais ravie de sa visite. Elle lui présenta ses petits pensionnaires : un Labrador marron et le Retriever blond.<br>Puis elle lui proposa un verre de rosé. Ils s'installèrent dans le jardin. L'alcool aidant,<br>Ils prirent du plaisir à échanger et à rire ensemble. Puis elle lui prit à nouveau les mains, le remercia d'être venu et l'embrassa. Étrangement, Paul n'avait pas envie de résister. Il ne s'en alla qu'au petit matin. Si la nuit fut douce et enchanteresse, le réveil chez lui après quelques heures de sommeil, fut cruel. Il avait très mal à la tête, il était confus, il culpabilisait de sa conduite, il se sentait faible et minable. Il essaya de mettre de l'ordre dans ses idées. Puis il retourna voir Eliza. Il lui expliqua les sentiments contradictoires qui l'envahissaient. Elle lui dit qu'elle ne comprenait pas pourquoi la religion imposait cette chasteté aux prêtres. Comment pouvaient-ils avoir une vie équilibrée ? Il lui expliqua qu'en plus, autrefois, on incitait les prêtres à ne pas se marier, mais ils avaient le droit de vivre en concubinage. Ce n'a été qu'au XIIè me siècle, que l'interdiction avait été formulée. À chaque fois que Paul revoyait Eliza, il retombait sous son charme. Mais quand il se retrouvait seul, il se flagellait moralement. Il dit à Elisa qu'il avait besoin de prendre un temps pour faire une introspection, pour savoir ce qu'il voulait vraiment au fond de lui. Elle accepta tristement cette séparation, mais elle ne voulait pas démarrer une histoire avec quelqu'un qui vivrait dans un tourment permanent. Il vécut très confusément pendant cette semaine de retraite, il était très agité. Il se dit qu'il avait toujours agi dans sa vie pour faire plaisir aux autres ou pour ne pas froisser. Il prit conscience que son engagement dans la voie de la prêtrise était le choix de sa mère, mais pas le sien. Il eut l'impression de surcroît d'avoir trahi son histoire familiale. Pour la première fois, il eut envie de s'écouter et de faire un choix par lui-même, quelles qu'en soient les conséquences. C'est avec une grande sérénité qu'il alla retrouver Elisa. Pour la première fois de sa vie, il avait le sentiment de prendre son destin en main. Lorsqu'il l'aperçut dans son jardin, il courut vers elle pour l'enlacer. La parole était superflue, ils étaient heureux. Elle lui dit qu'elle avait beaucoup réfléchi également pendant son absence, mais de manière positive, car au fond d'elle, elle savait qu'il reviendrait. Elle lui proposa s'il était d'accord, de lui présenter son ami Alexandre qui était ostréiculteur et qui cherchait quelqu'un pour remplacer le départ d'un de ses collègues. Paul fut étonné, mais touchée qu'elle ait commencé à penser à un avenir commun. Il lui fit part de ses doutes sur un tel recrutement, car il ne connaissait de l'huître que le plaisir qu'elles lui apportaient quand il en mangeait. Elle le rassura, en lui disant qu'Alexandre était un ami de longue date et que ce qui était important pour lui, c'était de travailler avec quelqu'un sur qui il pouvait compter, pour le reste, il apprendrait sur le terrain. Même s'il savait que ce métier était dur, l'idée de travailler dans le silence et la nature lui plaisait énormément. La collaboration avec Alexandre fut facile. Ce dernier n'était pas un bavard, mais il adorait son métier et aimait transmettre son savoir. Une amitié a vite commencé à s'installer entre eux. Paul avait l'impression de renaître. Il admirait les couleurs changeantes du bassin, la végétation dunaire et tous ses oiseaux qui venaient se nicher sur les bancs de sable, les sternes à tête noire, les milans noirs, les bernaches... Mais il était particulièrement fasciné par les goélands argentés, qui pouvaient faire plus d'un mètre d'envergure. Lorsqu'ils suivaient le bateau, il avait l'impression que les goélands l'interpellaient. Avec le temps, Paul réussit à distinguer une dizaine de cris. Il discernait les jappements, les cris plaintifs, les clameurs éclatantes, les cris d'appel pour alerter les congénères d'un danger, les cris de la parade amoureuse, les cris pour encourager leurs petits à l'envol... Il se mit à claquer la langue et à siffler pour attirer leur attention. Jamais, il ne s'était senti aussi vivant. Il avait l'impression que les goélands le provoquaient pour parler avec lui. Un jour, la magie opéra.Il se mit à pousser des cris pour répondre à ces appels. Ivre de joie, il se dit qu'il n'était plus celui d'avant, il avait désormais le pouvoir de parler aux oiseaux. Sur le coup, il fut tellement surpris lui-même, qu'il n'en parla à personne, c'était un secret entre lui et les oiseaux. Il était vraiment devenu lui-même. Le Lendemain, il alla retrouver les oiseaux pour vérifier qu'il pouvait toujours échanger avec eux. Cela fonctionna parfaitement. Ce n'est qu'au bout d'une semaine, qu’il offrit à Elisa le cadeau de l'emmener en bateau voir les goélands, pour qu'elle découvre qui il était devenu. Conscient que cet immense bonheur qui lui tombait dessus, il le devait à Elisa, ses premiers mots pour elle furent : « merci mon amour ».
Nathalie SAGLIER: MERCI